Les 2 enseignements qui m’ont menée à cette enquête
La dernière fois, je ne vous ai pas tout dit : au départ de cette “ enquête d’ensembles ”, il y a 2 prises de conscience que j’ai eues (et que je n’avais pas vu venir !) en accompagnant près de 12 000 personnes en quête d’épanouissement dans leur travail avec le programme Switch Collective (que j’ai co-fondé fin 2015 et quitté en 2022).
PRÉCÉDEMMENT DANS ENSEMBLE(S) Retrouvez l’épisode pilote(à lire absolument si vous nous rejoignez en cours de route !) pour comprendre de quoi traite cette enquête et ce qu’on va faire ENSEMBLE(S)
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Cher·e ami·e, cher·e inconnu·e,
Pour moi, tout a commencé comme ça : fin 2015, j’ai co-fondé Switch Collective, un bilan de compétences nouvelle génération fondé entièrement sur le collectif. Switch a accompagné près de 12 000 personnes, par groupes d’environ 25. Mon intérêt pour les dynamiques collectives est né de ce que j’ai observé pendant 7 ans (j’ai quitté le projet en 2022[1]).
Alors, vous me direz peut-être qu’on parle d’un ensemble de gens très homogène (25-45 ans, population métropolitaine, avec un niveau d’éducation en moyenne supérieur à Bac+4, 70 % des cadres…). Côté mixité, tu peux te brosser Martine. Mais quand même, ces gens ne se connaissaient pas au départ. Et arrivaient en à peine quelques semaines à devenir des collectifs ultra soudés pour répondre à un questionnement au départ tout à fait personnel.
Une " promo " en plein programme Switch en 2018
Vous me direz peut-être aussi qu’il s’agit d’un tout petit échantillon à l’échelle de la France et du monde. Mais c’est un échantillon représentatif d’un groupe qui a un fort pouvoir de prescription et d'entraînement : de fait, en quelques années, le phénomène de la quête d’épanouissement dans le travail a infusé toute la société.
Avoir été aux premières loges de ce mouvement de société et au contact de ces quelques milliers de personnes m’a appris 2 choses fondamentales (pas forcément celles que j’aurais imaginées au départ) qui m’ont menée à cette enquête.
🤓 Enseignement #1 : quête de sens dans le travail, et si on faisait fausse route ?
La quête de sens dans le travail et les reconversions-passion ont infiltré nos imaginaires. Dans les médias, les portraits de cadres en costard-cravate qui passent un CAP cuisine ou deviennent fromagers font rêver (et font vendre). C’est même devenu un nouveau marqueur de réussite : comme titrait Le Monde en mars 2022, “Si à 40 ans t’as pas fait ta reconversion, t’as raté ta vie ”.
Mais je vous avoue quelque chose : ce “ phénomène de société ” a fini par me mettre mal à l’aise.
Oui, parce que ça met le travail au centre de tout. Quelque chose qui devrait nous fournir un revenu, une identité, un statut, une appartenance, de l’épanouissement, une manière de nous “ réaliser “, un sens. Voire une transcendance (certains parlent même de “religion du travail”[2]). Mais est-ce vraiment au travail de nous donner ce sens ?
Bien sûr, l’envie de porter ses valeurs à travers son job, d'être aligné·e avec ce que l'on fait, de vouloir se sentir utile sont a priori une bonne chose pour soi et pour la société. Mais ça contribue aussi à nous maintenir dans une roue qui ne s’arrête jamais de tourner et à faire converger toutes nos aspirations vers le changement et la réussite individuels. Y compris quand cette réussite passe par l’expression de son identité et le sens.
Mais si en cherchant du sens au travail, on cherchait en fait autre chose, sans s’en rendre compte ?
Vous connaissez peut-être cette étude de la Harvard Medical School (the Adult Development Study) menée pendant plus de 85 ans (qui a suivi 724 personnes depuis 1938, encore en cours aujourd’hui avec leurs descendants) pour tenter de répondre à cette question : qu’est-ce qui rend les gens heureux et en bonne santé ? L’argent, la célébrité ? Évidemment non, ça on le sait. Le travail ? Non plus, on s’en doutait aussi. Et pourtant regardez le temps, l’énergie et la symbolique qu’on y met. Regardez le temps qu’on passe sur LinkedIn à se raconter nos exploits professionnels (ou à complexer à force de lire ceux des autres) !
La réponse, vous la connaissez sans doute mais je crois qu’il est bon de se la rappeler, encore et encore : ce qui nous maintient heureux et en bonne santé, c’est la qualité des liens qu’on entretient les uns avec les autres. À la fin, ce qu’ont en commun les participants de l’étude d’Harvard qui sont en bonne santé et se déclarent heureux passés 60 ans, ce sont des liens amicaux et familiaux solides, mais aussi des contacts sociaux forts dans des groupes de parole, des associations, des collectifs. Nulle part il n’est question d’un travail qui leur permet de se “ réaliser ”.
🤓 Enseignement #2 : notre quête de sens est, au fond, une quête de liens
Alors ce que je retiens de l’impact du programme Switch sur tous les gens qu’on a accompagnés, ce n’est pas tant de leur avoir permis de changer de job ni même de (re)trouver de l’épanouissement et du sens au travail. C’est autre chose… Quelque chose qui n’a cessé de m’étonner toutes ces années et qui est directement en lien avec l’enjeu de cette enquête (car vous vous dites peut-être qu’avec ces histoires de quête de sens au travail, je m’égare : je vous promets que non !).
Clara, j'adore vraiment te lire, tellement riche ! E
Curieux de la suite, et not...
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Clara Delétraz
Je m’appelle Clara, je suis sur la (toute 😬) fin de ma trentaine, je vis la plupart du temps à Paris, j'ai un nom savoyard, deux enfants et un drôle de parcours, à la croisée :
- du Politique/ Public (j’ai travaillé 6 ans dans le secteur public: en “établissement public d’aménagement” puis en cabinet ministériel où j’ai co-fondé l’initiative French Tech pour booster l’entrepreneuriat en France),
- de l’Entrepreneuriat (après la French Tech, j’ai co-fondé une entreprise qui s’appelle Switch Collective, revendue à la Maif en 2020 et que j’ai quittée en 2022),
- et de ce que je vais appeler pour simplifier à outrance le “Développement Intérieur” (avec la méthode Switch nous avons accompagné les questionnements professionnels et personnels de plus de 13000 personnes, je suis formée au coaching systémique et à la gouvernance partagée, je fais de la méditation depuis 10 ans, j’ai fait de nombreux stages / retraites / formations de développement intérieur et spirituel).
Si je suis très consciente des bénéfices mais aussi des limites de chacun de ces domaines pris indépendamment, il y a un fil rouge à tout ça : l’élan collectif, au cœur aussi bien de l’initiative French Tech que de Switch Collective.
D’où je vous parle (et d’où je ne vous parle pas) avec le projet ENSEMBLE(S)?
Je ne vous parle pas comme quelqu’un qui sait ou qui a des leçons à donner : je suis moi-même remplie de questions et pétrie de contradictions.
Je ne vous parle pas en tant que chercheuse puisque ce n’est ni ma formation, ni mon métier mais je me suis plongée dans le travail de sociologues, anthropologues, historiens, chercheurs en psychologie politiques, statisticiens pour voir ce qu’ils avaient à nous dire sur le sujet. Par contre je suis formée à l’approche systémique (cf épisode 2 de la newsletter pour comprendre ce que c’est) et ça a complètement changé ma manière de voir le monde!
Je ne vous parle pas comme une entrepreneur, même si je l’ai été : je n’ai ici rien à vous vous vendre. Par contre j’ai des réflexes de “faiseuse”, des envie de concret et de terrain : c’est ce qui fait que je m’intéresse autant au Pourquoi qu’au Comment. Et que j’ai eu envie de me lancer dans une enquête terrain à la rencontre d’ensembles de gens hétéroclites qui réussissent à accomplir des choses ensemble (jurés d’assise, justice restaurative, Alcooliques Anonymes, un collège public un peu spécial etc.) pour identifier des ingrédients / un cadre qui pourrait être passés à grande échelle.
Je vous parle comme une citoyenne lambda qui se pose des questions. Qui se sait privilégiée (je suis blanche, éduquée). Qui a conscience de faire partie du problème plutôt que d’être ou d’avoir la solution, sans culpabilité mais avec une responsabilité.
Je vous parle comme une maman qui s’inquiète pour l’avenir de ses deux enfants de 3 et 5 ans. Et de tous les autres. A qui, si un jour ils demandent “est ce que tu savais et qu’est ce que tu as fait pour changer le cours des choses”, je pourrai répondre “je savais, c’est pas parfait mais j’ai vraiment essayé de contribuer”.
A lire aussi dans ENSEMBLE(S), mission presque impossible ?
cldelanouvelle Thu, 06 Jun 2024 08:38:34 GMT
Réflexion très intéressante. Bravo et merci!
Et ça me touche particulière, car je su...
Voir plusThu, 23 May 2024 12:21:53 GMT
Clara, j'adore vraiment te lire, tellement riche ! E
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